Sonus ex machina
jeudi 23 juin
19h30
Philarmonie de Paris, Le Studio
Jupiter, Pluton et Neptune de Philippe Manoury, trois pièces fondatrices du répertoire de la musique mixte en temps réel
Serge Lemouton, réalisateur en informatique musicale à l’Ircam nous raconte son expérience et les technologies utilisées pour cette production
Propos recueillis par Paola Palumbo
En quoi Jupiter, Pluton et Neptune sont-elles des pièces emblématiques pour l’Ircam ?
C’est dans les années 80 que le compositeur Philippe Manoury travaille en étroite collaboration avec le mathématicien américain Miller Puckette à l’Ircam et imagine le concept de « partitions virtuelles ». Il réalise la première pièce du cycle Sonus ex Machina, Jupiter en 1987. C’est à cette occasion que Miller développe le logiciel qui allait s’appeler Max. Le premier programme se nommait Patcher. Ces pièces sont donc emblématiques car c’est grâce à celles-ci que MAX a été développé, logiciel qui aujourd’hui est utilisé tout autour du globe. Le concert qui aura lieu en juin lors du Festival ManiFeste célèbre les 70 ans du compositeur Philippe Manoury. C’est un concert anniversaire où sont regroupées les trois pièces du cycle pour instrument soliste et ordinateur : Jupiter, Pluton et Neptune. C’est donc l’occasion de travailler sur les mises à jour des pièces, et d'aborder encore une fois à les notions d’authenticité et d’interprétation puisque nous allons rejouer des versions remixées, mais au plus proche de l’original.
Quels rapports entretenez-vous aux différentes évolutions des pièces et du logiciel Max ?
Philippe Manoury était mon professeur au Conservatoire National de Musique de Lyon en 1988 et nous amenait les tous premiers manuels de Max. J’ai donc appris à utiliser le logiciel sur la version "Alpha 40" de Max qui était en cours de développement. Philippe Manoury travaillait alors sur la pièce Pluton. J’ai assisté à la création des trois pièces, Jupiter en 1987 pour les 10 ans du Centre Pompidou, Pluton à Avignon dans la Carrière Boulbon en 1988 et la création de Neptune en 1991 au Centre Pompidou. A l’époque il faut imaginer qu’il n’y avait même pas d’ordinateur portable. Il fallait donc transporter des lourdes machines de concert en concert. Par exemple, à Avignon lors de la performance de Pluton dans la carrière il a fallu venir avec un gros camion pour transporter les groupes électrogènes.
J’ai la chance de jouer aujourd’hui des pièces qui m’ont fortement marqué lors de leur création. Parallèlement, c’est intéressant de voir l’évolution de ces créations et de transmettre une culture et un savoir-faire à une nouvelle génération. En effet, Etienne Demoulin jeune réalisateur en informatique musicale reprend le flambeau et va interpréter la partie électronique de Neptune en concert.
Parlez-nous de l’évolution technologique des pièces.
Dans le cas de Jupiter c’est intéressant car, comme on conserve les versions successives des pièces, on peut remarquer que c’est une de celles qui présente le plus d'implementations technologiques différentes. Au départ, la première version tournait sur la station informatique 4X, ensuite elle a fonctionné sur la station de travail ISPW (Ircam Signal Processing Workstation), puis sur une version en java pour Silicon Graphics (jMax) et enfin la version pour Max/MSP.
Miller a également développé une autre branche de Max : Pure Data car il n’a pas eu le droit de partir avec Max pour des raisons de licence. Il y a donc une version de chaque œuvre aussi pour Pure Data. Pour des questions de survie du logiciel si Max disparait nous possédons une autre référence pour porter la version vers un autre environnement. On pense aussi à la survie de ces pièces historiques. J’essaie donc de mettre ces trois pièces au même niveau ; aujourd’hui elles fonctionnent de la même façon dans les deux environnements (Max et PD).
Il s’agit de pièces historiques qui marquent l’histoire de l’informatique musicale, mais comment ont-elles évoluées aujourd’hui et comment ces reprises vivent ? Comment les écoute-t-on aujourd’hui, 35 ans après? Est-ce aussi nouveau qu’à l’époque ? C’est à l’auditeur du concert de répondre à ces question car personnellement je suis tellement impliqué en tant qu'interprète que je ne peux pas le dire….